lundi 17 juin 2013

Transfert de charge, transfert de responsabilité


En septembre 2011, au moment du lancement de l’appel d’offre, la date annoncée pour la réouverture de la halle de la Martinière était fixée à fin 2013. Bien entendu, personne n’a jamais cru à un tel calendrier.

Le bâtiment a été fermé il y a maintenant un an. Depuis rien n’a bougé, ou presque : en début d’année un panneau de chantier a fait une timide apparition puis a rapidement disparu ... et c’est tout
1.

Rien n’a bougé, mais à la lumière des dernières nouvelles, l’incertitude en revanche s’est installée, et avec elle la possible perspective d’un enlisement, mais peut être aussi d’une opération de captation de subventions publiques ...



Il est maintenant avéré que le repreneur désigné par la ville, n’a en fait pas les moyens de ses ambitions. Le groupement Producteurs du Goût, déjà porté à bout de bras par des aides publiques, attend de nouvelles subventions qui lui permettront, peut être, d’envisager un démarrage des travaux.

Saveurs du Coin, l’opérateur principal du GIE se trouve être en difficultés financières. Un audit récent commandé par le Département auprès de la Banque de France pointe sa très grande fragilité et sa dépendance aux aides successives. Malgré les montants substantiels perçues entre 2009 et 2012 (130K€ en tout), la société est déficitaire depuis sa création, l’audit précise d’ailleurs que “les projets de développement paraissent prématurés” et préconise des mesures de redressement.


Un projet sous perfusion

Malgré ces résultats une nouvelle salve de subventions, explicitement dédiée à la rénovation de la halle, est sur le point d’aboutir : en 2013 c’est un montant total de 305K€ qui sera alloué au GIE par le Grand Lyon, le Département, la Région, et l’Europe, dans le cadre de ce projet 2.

Pour nos élus locaux il s’agit visiblement de renflouer le candidat au plus vite pour assurer la viabilité du projet, alors même que la régularité de ces subventions dans le cadre d’un bail emphytéotique reste floue.


La halle hypothéquée

Pour remporter le marché le GIE a proposé une réhabilitation lourde du bâtiment et un montant de travaux conséquent (1,7M€ au total), misant probablement sur une course au standing pourtant difficile à justifier dans le cadre de ce programme 3.

Présenté d’abord comme de l’autofinancement dans sa proposition, il s’avère que la majeure partie des travaux est en fait financée par un prêt bancaire de plus d’1M d’€ ... garanti par une hypothèque sur le droit réel à l’immeuble conféré par le bail emphytéotique 4.
En plus d’un gouffre d’argent public, l’opération pourrait s’avérer tout à fait rentable .. pour le Crédit Agricole.


De nouveau il faut pourtant rappeler les termes du cahier des charges de la consultation, qui prévoyait d'écarter d'office "toute proposition présentant sur le plan financier, des faiblesses manifestement trop sérieuses" 5.

Comment Producteurs du Goût  a t-il pu faire croire à sa solidité financière dans ces conditions ?

Comment Gérard Collomb a t-il pu déclarer lors de la présentation du lauréat à la presse : “On ne s’occupe de rien. Ils sont totalement maîtres de leur avenir...” 6  ??


Transfert de charge, transfert de responsabilités

L’agriculture en général est dépendante des subventions publiques et le candidat lauréat n’est bien sûr pas coupable de cet état de fait. En l’occurrence la situation résulte bien de la décision initiale de la ville de se débarrasser à tout prix de la gestion de cet équipement. Une gestion qui relève pourtant de sa responsabilité.

Cette décision est donc censée conduire un groupement de producteurs subventionné vers la responsabilité d'une opération de réhabilitation d’un bien public, à 4000€ le m², et accessoirement à quelques bizarreries :

  • Finalement il s’agit pour la ville d’un transfert de charge vers d’autres collectivités (pour autant il s’agit toujours d’argent public), ainsi qu’un transfert de responsabilité.
  • Vu l’état de santé du candidat il est plus que probable que ces nouvelles dettes ne feront que renforcer sa dépendance aux subventions. Pour maintenir une exploitation de la halle il faudra alors maintenir et pérenniser le régime de subventions au bénéfice de l’exploitant.
  • Finalement ce transfert de charge coûtera sans doute bien plus cher au contribuable que n’aurait coûté une réhabilitation sommaire de la halle et un maintien de son exploitation en régie.


Pourquoi en arrive t-on là  ?

Probablement (?) à cause de cette évolution générale qui conduit spontanément les collectivités à déléguer au privé (du moins c’était initialement l’objectif) ce qui relève de leur missions ordinaires, une délégation justifiée, ici comme ailleurs, au nom de l’intérêt général ...

Probablement (?) à cause d’une certaine vision de la ville, désormais envisagée comme un concept de marketing, une vision dont nos élus apprécient qu’elle mène à une gentrification qui ne dit pas son nom ...


Il s’agit bien d’une halle de quartier et non d’un nouveau bar loundge ...

La halle de la Martinière n’est pourtant qu’un modeste marché couvert de quartier, son programme ne la destine pas particulièrement à devenir une vitrine clinquante.


Ce bâtiment est un bien public qui dans une ville peuplée d’habitants devrait simplement le rester. La gestion publique n’aurait jamais dû être abandonnée, et plus que jamais devrait être de nouveau envisagée.




1↑ - En avril un riverain a également entrepris une action décorative hélas sabordée le jour même par les équipes municipales (communiqué de l’association Halle Mart’).


2↑ - Pour la rénovation du bâtiment le GIE Producteurs du Goût  attend une aide totale de 209 671 € (Grand Lyon, Département, Région, Europe), pour l'aménagement intérieur Saveur du Coin et Coteaux du Lyonnais attendent 95 480 € (Grand Lyon, Département, Europe).


3↑ - Le lauréat s'est engagé dans des travaux d'un montant de 1,2M€ pour la rénovation et 0.5M€ pour l'aménagement intérieur, soit une réhabilitation à 4000€ le m² ...


4↑ - L’hypothèque a été validée par le Conseil municipal lors de sa séance du 17 septembre 2012.


5↑ - Page 14 du Cahier des charges de consultation.


6↑ - Article de Lyon Mag du 2 mai 2012




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