mardi 10 mai 2011

Lettre ouverte à Gérard Collomb


Une lettre ouverte du collectif a été publiée par LibéLyon, le blog des correspondants locaux de Libération, la voici :

Une ville agréable à vivre est une construction pensée. Elle est par nature complexe. Penser la ville relève d'une alchimie heureuse qui associe ceux qui l'habitent et ceux qui l'administrent, ceux qui la rêvent et ceux qui la construisent.
En vous présentant, en 2008, pour un deuxième mandat à la mairie de Lyon, vous annonciez votre réel intérêt pour une ambitieuse politique de la ville. Nous lisons dans votre programme des éléments de projets qui ont décidé une majorité d'entre nous à se prononcer en votre faveur. Vous souligniez à l'époque "le rôle majeur des commerçants, le rôle irremplaçable du commerce de proximité, de l'artisanat et des marchés de quartier". Vous écriviez plus précisément encore : "En ce qui concerne la halle de la Martinière, il convient de créer des concepts de dégustation, d'animation et de promotion et d'envisager à terme de remplacer les murs par de grandes baies vitrées pour faire de cette halle, devanture transparente et lumineuse, un lieu attractif où on a envie d'entrer". Néanmoins, vous comprendrez que nous n'admettrons pas d'être obligés d'entrer demain dans une zone stéréotypée de la grande distribution.
La halle de la Martinière, construite en 1838, propriété de la ville et dernière halle de quartier à Lyon, relève du secteur des marchés de Lyon, comme celui du quai Saint Antoine ou du boulevard de la Croix Rousse. Elle pourrait devenir l'emblème d'un abandon programmé, insignifiant au regard de son poids économique à l'échelle d'une ville, majeur à l'aune du plaisir de vivre ensemble de ses riverains. Ce modeste marché couvert, pourtant référencé dans la plupart des grands guides touristiques (Lonely Planet, Petit Futé), doit faire très prochainement l'objet d'un appel à projet auprès d'un opérateur privé unique. L'attribution de ce lieu historique, par bail emphytéotique, signerait l’implantation d’une enseigne de la grande distribution, Casino par exemple. Nous, habitants du quartier, n'en voulons pas et nous emploierons toutes nos forces pour nous y opposer. Quarante ans après les luttes contre la démolition de la Grande Côte et la livraison du quartier à des promoteurs, la Croix Rousse n'est toujours pas à vendre ! Nous, habitants du quartier et au delà, refusons le mouvement qui voudrait l'appropriation par les grands groupes du patrimoine commun. Nous ne voulons pas voir l'industrie alimentaire et son corollaire, la grande distribution, nous dicter demain des formules toutes faites de consommation. Et pas plus qu'il n'y a de petits profits pour ceux qui font argent de tout, il n'y a de petits abandons pour ceux qui aiment leur ville et les liens qu'ils y ont tissés.
Certains voudraient nous faire croire qu'il y aurait quelque chose d'inéluctable dans ce processus et feraient passer celles et ceux qui ne s'y résigneraient pas pour des combattants d'arrière garde. Nous voyons plutôt de la fatigue et de la résignation dans l'abandon d'un marché de Lyon à un groupement privé qui ne présage rien de bon. Le battage actuel autour du développement durable contredit le caractère inéluctable de l’industrialisation de l’alimentation.
Des habitants du quartier font le pari de la démocratie. Une pétition lancée par le collectif d’habitants du 1er arrondissement a déjà reçu le soutien de 2500 signataires au 30 avril.
Le commerce de la grande distribution n'est ni véridique, ni social, tel qu'il fut imaginé au 19ème siècle à la Croix Rousse même avec l’invention de la première coopérative d’achat au monde. Il est avéré qu'il accumule à l'extrême les profits, par l’instauration de pratiques nocives au détriment des producteurs et des consommateurs, assujettissant au passage ses propres salariés. Nous invitons, Monsieur le sénateur maire, à une réflexion puis à une mise en œuvre qui permettent aux commerçants actuels de conserver leur emplacement et qui offrent les nombreux espaces disponibles à de nouveaux commerçants. Certains sont déjà candidats, hors de la standardisation des rapports économiques et humains. Il est du ressort de notre collectivité de les y aider. Permettez leur donc de s’installer et de pouvoir financer leurs investissements en octroyant des baux commerciaux plutôt que des autorisations précaires puisque vous avez décidé de déclasser du domaine public ce bâtiment pour l’intégrer dans le domaine privé de la ville de Lyon.
C'est encore une fois le choix qu'a fait la majorité de la population lyonnaise en vous portant à sa tête. La privatisation des services publics, les marchés de Lyon en sont un, conduirait à la détérioration des services rendus, puis du vivre ensemble. Nous souhaitons favoriser d'autres pratiques d'échanges en lien direct avec des producteurs de la région. Nous souhaitons y être associés et nous vous invitons à en parler pour que le devenir de la halle de la Martinière ne soit pas une perte du bien commun mais plutôt une occasion d’expérimenter de nouvelles pratiques collectives.
L'actualité nous apprend que le sort de la halle de la Martinière est une fable qui raconte notre histoire commune, partout dans le monde. Il vous est possible de ne pas l'accepter. Au nom même des promesses que vous nous avez faites. Gardons à la ville son visage humain.



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